Immatriculations en 2024

Le marché automobile français en 2024 : entre constance et renouveau

L’année 2024 s’inscrit dans la continuité prudente d’un marché automobile en quête de stabilité après les secousses des dernières années. À la croisée des chemins entre tradition industrielle et transition écologique, le paysage de l’automobile française offre une fresque nuancée, oscillant entre performances inébranlables et dynamiques nouvelles. Trois angles de lecture s’imposent : l’évolution globale, les stratégies des constructeurs, et la bataille des modèles.

Une stabilité qui masque des contrastes

Dans son ensemble, le marché automobile français affiche une baisse sensible de 3,6% à 1.720.120 unités contre 1.774.463 en 202. Les volumes de ventes totales n’ont guère connu de bouleversements majeurs, mais cette apparente constance dissimule des mouvements plus subtils : des constructeurs en déclin, d'autres en pleine ascension, et une guerre des modèles toujours aussi féroce. Le jeu des parts de marché, bien que relativement figé en surface, révèle des tensions concurrentielles profondes.

Les constructeurs : entre leaders fatigués et outsiders revigorés.

Renault conserve, non sans peine, son trône. Avec 277 304 véhicules écoulés en 2024 contre 277 926 en 2023, la marque au losange accuse une légère érosion de 0,2 %, conservant malgré tout 16,1 % de parts de marché. Une performance solide mais qui trahit une certaine fatigue.

Peugeot, dauphin traditionnel, glisse davantage : -3,7 % de ses ventes, passant de 241 653 à 232 718 unités. Une baisse qui interroge sur sa capacité à séduire dans un marché de plus en plus polarisé. Sa part de marché tombe à 13,5 %, confirmant une perte d’élan.

Dacia, souvent qualifiée d’alternative maligne, voit ses ventes reculer de 7,3 %. Cette chute, de 156 393 à 144 986 immatriculations, pourrait signaler les limites d’un modèle économique fondé sur l’essentiel, dans un contexte où l’innovation et l’équipement prennent une place croissante ; à preuve son nouveau Duster dont les trois quarts des ventes sont constituées par le modèle hybride à plus de 27.000 €.

À contre-courant de ces replis, Toyota tire brillamment son épingle du jeu. Le constructeur nippon progresse de 18 %, avec 127 523 véhicules vendus contre 108 041 en 2023, et une part de marché de 7,4 %. Un exploit qui repose sans doute sur l’attrait persistant pour ses hybrides, véritables piliers d’un marché en transition.

Volkswagen, quant à lui, reste stable, avec une baisse très modérée (-0,7 %), conservant sa place dans le top 5 avec 119 367 véhicules vendus.

Citroën (-11,4 %) perd deux places pour atteindre la 6^ème place, son plus bas niveau historique, avec seulement 6,5 % de part de marché. BMW (+12,7%) et Skoda (+16,3%) excellent, cette dernière entrant pour la première fois dans le Top 10 mensuel en août et y restant pour le reste de l'année.

Les nouveaux venus d’extrême Orient : les constructeurs chinois en embuscade.

L’année 2024 marque également une étape discrète mais déterminante : l’installation progressive des constructeurs chinois sur le marché français, passés de 6 à 9. Encore marginaux dans les statistiques brutes (1,8 % du marché), ils n’en sont pas moins de plus en plus visibles dans les rues, les concessions et les esprits. Marque emblématique de cette poussée, MG, désormais propriété du groupe chinois SAIC, séduit avec ses modèles électrifiés à prix contenu, conjuguant design occidental et ingénierie orientale. D’autres, comme BYD ou Lynk&Co, commencent à tisser leur toile, misant sur des modèles 100 % électriques à forte autonomie et équipements généreux. Bien qu’encore distants des géants européens en volume, ces nouveaux acteurs suscitent autant de curiosité que d’inquiétude, bousculant les rapports de force traditionnels avec une audace technologique et une politique tarifaire agressive.

Les irréductibles de l’artisanat : un luxe de niche, une passion intacte

À contre-courant de la massification et de l’électrification rationalisée, quelques constructeurs français à l’âme artisanale poursuivent leur route, portés par la passion et le culte de la singularité. On pense à SECMA, installé à Aniche dans le Nord où il construit ses modèles récréatifs et sportifs, à PGO, petit constructeur du Gard, dont les modèles néo-rétro continuent de séduire une clientèle confidentielle mais fidèle, ou encore à des initiatives plus récentes comme Devalliet, qui incarnent une certaine idée du luxe automobile à la française. Si leurs chiffres de vente sont anecdotiques dans les bilans nationaux (40 unités pour SECMA, 21 pour PGO, 8 pour Devalliet), leur présence est symbolique : ils rappellent que l’automobile, au-delà de la mobilité, demeure aussi un art, un rêve, un savoir-faire que certains refusent de voir disparaître. Dans un monde de plus en plus normé, leur existence même est un acte de résistance.

Conclusion : vers une recomposition douce

L’année 2024 marque donc une phase de recomposition silencieuse du marché français. Si les ténors historiques maintiennent leurs positions, la dynamique commence à se déplacer vers des constructeurs plus agiles, comme Toyota, ou vers des modèles qui réussissent le pari de la sobriété bien pensée, à l’instar de la Dacia Sandero.

Mais surtout, de nouveaux fronts se dessinent : les géants chinois avancent, les artisans résistent, et l’équilibre établi semble chaque jour un peu plus remis en question. L’avenir semble s’écrire à la frontière de l’économie et de l’écologie, entre tradition de fiabilité et désir de renouveau. Une chose est sûre : le cœur des Français bat toujours pour l’automobile, mais il change peu à peu de tempo.